TROIS MISSIVES A PART

Hommage à Pierre Debauche, ce grand homme de théâtre et figure agenaise, décédé le 23 décembre 2017.

AH DIEU QUE LA GUERRE EST JOLIE !

Profitant de la liberté que donne le festival d'été, j'ai sorti mon appareil photo…

« En 1914 mon père François avait 17 ans. Il s'est engagé. Est revenu de la bataille de l'Yser Blessé et est mort en 1942 des suites de ses blessures. ». Celui qui parle ainsi c'est Pierre Debauche, grande figure du monde du théâtre. Il a dans les années 60, adapté radicalement une pièce de Joan Maud Little Wood qui elle-même s'était inspirée d'un travail radiophonique de Charles Chilton. Il précise : « Remarquablement elle racontait la guerre anglaise avec des personnages anglais et des chansons anglaises. Et elle les racontait du point de vue des soldats, des personnes et non des livres d'histoire. Avec leurs fanfares obligées. Moi j'ai adapté le spectacle avec des personnages français, des événements français et des chansons françaises. C'était un hommage à mon père. »

Cette pièce magnifique, je l'avais vue au cours de l'été 1972 à Saint-Maixent-L'école, en plein air, la nuit dans une clairière. La vie prévoit des rendez-vous. Preuve en est, il y a quelques jours, j'ai revu cette pièce en plein air, la nuit dans une cour intérieure… J'ai eu le sentiment de boucler quelque chose.

Profitant de la liberté que donne un festival d'été j'ai sorti mon numérique et j'ai saisi quelques images.

Cette fois il ne s'agissait plus des 36000 témoins de pierre !

Non sur la scène jouaient « 16 acteurs déguisés en « Pierrots » qui racontent cette guerre avec l'évidence des gens de tous les jours »… des acteurs qui « ont 20 ans comme les biquets de 1914… »

La lumière très basse de certaines scènes a créé du bruit sur quelques photos… je les ai considérées comme impropres mais j'ai conservé tout de même un portrait de poilu casqué qui est apparu semblable à ceux de mes diapos anciennes… j'aurais pu le glisser parmi les autres dans un fondu. Je le mets dans la galerie.

Pour l'essentiel, la lumière de la scène (à condition d'opter pour un réglage ISO élevé, car le flash est évidemment proscrit) a permis de capter l'ambiance de la pièce et de saisir des portraits de tous ces jeunes acteurs pleins de talent.

Le photographe amateur de théâtre était en la circonstance, comme un bourdon dans une fleur… Heureux !

***

LES PENDENTIFS D'IDA

Ses « pendents » comme elle les désignait le plus souvent, arrivaient un beau jour à la maison, duraient le temps de la préférence puis un beau matin, n'étant plus en cour s'en allaient attendre dans un bijoutier. Ils reviendraient peut-être un jour à la faveur d'une combinaison hardie de coloris avec une robe ou un chemisier nouveau.

Ida ramenait jadis du marché, une trouvaille « pas chère » qu'elle portait déjà sur le chemin du retour. Elle avait aux oreilles tantôt du vert tendre, tantôt un bleu lumineux ou un grenat scintillant. Ce qui lui plaisait surtout, c'était le mouvement du libre pendentif qui comme elle aimait danser. Un non ou un oui de la tête prenait de l'ampleur, donnait de la grâce, confortait la féminité.

Les années passèrent mais bien que nonagénaire elle avait gardé le plaisir des pendentifs. Les trous ménagés dans ses lobes d'oreilles s'étaient peu à peu rebouchés, il lui fallait exclusivement des boucles à pinces, système devenu rares chez les commerçants et même chez les artisans fabricants de bijoux qui ne jurent plus curieusement que par les clous d'oreilles.

Lorsqu'il y a quelques années j'avais pour la première fois, pensé à réaliser un carnet de photos de ses boucles, sa boite à bijoux ne recelait déjà plus les trouvailles de son bel âge, les virevoltantes, les rutilantes. Je n'ai retrouvé que celles des dernières années moins animées, moins enclines à la valse ou au tango.

Je m'étais dit il y a 5 ans que j'allais bientôt confectionner ce petit carnet, que ce défilé au long cours justifiait un petit écrin, que ce bouquet alerte de couleurs qu'elle portait en farandole méritait bel et bien un hommage en images.

Je ferai cela …pour son anniversaire en 2009, une manière de reliquaire… puis pour Noël … puis en 2010… puis le temps a dû passer plus vite… J'ai raté le coche, ma mère en octobre est partie pour toujours.

Pour ce Noël 2014, je livre avec retard quelques photos de ce carnet qui lui aurait fait plaisir, qui lui aurait peut-être fait ressentir le joyeux frisson de la jeunesse à la vue de ses heureuses breloques de toujours, réunis comme une palette de peintre.

En déposer quelques unes sur ce site ouvert à d'anonymes regards, me permet de rêver que …comme les photons, les images partent vers l'infini à la vitesse de la lumière, qu'elles vont jusqu'au fond de l'univers.

Les chances que cela soit vrai et qu'Ida-Lucie, ma mère, soit sur leur parcours sont infinitésimales mais… peu de chances multiplié par l'infini ça doit faire beaucoup…beaucoup… vraiment beaucoup. Alors pourquoi pas un « Joyeux Noël à tous » ici et ailleurs ?

***

LE TACHELES SquART A BERLIN

Il y a presque un quart de siècle des artistes avaient envahi une ruine en plein centre du Berlin-Mitte. Cela s'appelle squatter et c'est à la rigueur un acte qui pourrait être regardé comme une Performance d'Art Contemporain. Quoi qu'il en soit une telle chose tire vers une idée de misère tout un quartier… Elle le tire vers le bas jusqu'à ce que le phénomène éventuellement s'inverse.

Ce fut le cas à Berlin, quant le Tacheles connut la célébrité. Ce lieu devint en effet un centre culturel d'avant-garde, un off de première classe et de renommée internationale. Le Tacheles s'inscrivit sous la rubrique "squArt" (comme street-Art ou Land-Art).

Toutefois l'appropriation sans titre du départ demeura comme un ver dans le fruit et pour finir le lieu dut fermer en 2013.

On peut lire ici ou là que le Tacheles a été un lieu d'extraordinaire fécondité artistique au début des années 90, juste après la chute du mur. Ensuite il aurait perdu son âme et se serait compromis et banalisé.

Ignorant à peu près tout de ce naufrage, je me suis trouvé là dans « la période du déclin » et j'ai photographié le Tacheles en mai 2010.

L'endroit fut au reste photographié cent mille fois par les milliers de touristes qui passent là… mais je vous l'assure, une seule fois par moi. (aller sur l'onglet "galeries" puis sur « SquArt à Berlin » puis cliquer sur diaporama).

J'ai été frappé que des graffs soient apposés partout. C'est comme si le propre d'un « SquArt » était de tout envahir et que rien ne devait échapper à la voracité des bombes... de peinture.

Toutefois le côté "papier peint" de ces bombages primaires, s'il vient démentir toute idée d'imagination créative, donne par distraction, de l'unité au lieu... et en fait au final un sujet facile pour la photographie.

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont vérifiés avant publication.
Nom Message
Pays
Ville
Email
Site web
Message