48 ème missive - Quel titre, quel sens ?

26/09/2022

Dans une exposition de photos d'art ou de peinture, le format est important (1), il modifie la perception des œuvres . La présence ou l'absence d'un titre l'est encore bien davantage.

J'ai souvent observé combien l'appellation permettait de se mettre dans les pas de l'exposant. L'appellation fait partie intégrante de l'œuvre. La joconde serait-elle ce qu'elle est si elle était passée à la postérité sous le nom de Lisa Gherardini ?

Parcourir des cimaises, aller d'une image à l'autre sans qu'un cartel ne s'adresse au passant, laisse généralement dubitatif. Qu'est-ce que je vois ? Qu'est-ce qu'on me montre ? Sur quoi dois-je poser mon regard ? L'auteur a-t-il quelque chose à dire ?

J'apprécie au contraire de me laisser tout d'abord guider par le titre que l'artiste a donné à ses prises de vue. Je sais au moins ce que lui-même voit ou souhaite que l'on voit. Toutefois, s'il s'agit d'une série homogène qui décline un même sujet, c'est un peu différent et un titre général peut même être mieux adapté. Exemple : "Arquitectura Espontanea" de Nicolas Combarro ensemble de 60 photographies encadrées, 30x42 cm chaque.

La situation dans laquelle le photographe indifférent aux visiteurs a simplement accroché ses cadres à la suite, laisse une impression de travail inabouti. J'apprécie peu quant à moi, qu'ayant choisi d'entrer pour découvrir un travail artistique, la consigne soit "débrouille-toi avec ça! ".

Tout titre donné par le signataire donne un souffle primal à la photo. Le visiteur peut s'arrêter et faire le pont entre les mots et l'image. Passé cet instant de partage, rien n'empêchera le regardeur d'y voir autre chose, mais l'auteur, lui, aura assumé sa démarche jusqu'au bout.

Parfois, c'est un commissaire d'exposition qui se met au clavier azerty et s'efforce de donner un sens à ce qui est montré. S'il est en butte à l'absence d'indications du photographe et si lui-même se noie dans la perplexité il nous servira les éléments de langage éculés comme l'artiste a ici interrogé notre rapport avec ceci ou cela ou bien l'artiste convoque notre ceci ou cela. C'est en général aussi indigeste que peu utile.

Un titre bien au contraire, dit simplement les choses : "Voilà ce que je vous montre" (2). Certaine fois il est mentionné sur le cartel : "sans-titre" ou "sans légende". C'est opportun quand le sujet est évident et qu'il ne faut rien chercher d'autre ou pour un sujet graphique qui n'a d'autre ambition qu'esthétique.

D'autres fois encore, le titre désigne au plus près le sujet et il ne faut pas prêter à l'auteur une autre intention ("les pêcheuses de crevettes" d'Alfred Guillou).Tout aussi bien le titre peut être délibérément malicieux ("La vasque fleurie" Van Dongen).Il peut également faire arbitrairement référence à un point particulier du tableau "(l'atelier aux raisins" de Raoul Duffy).

Le titre de temps en temps vient à notre secours. C'est la cas avec "violon" de George Braque. Ce titre simplissime s'applique à une peinture qui ne l'est pas du tout et il amène à voir ce que peut-être on n'aurait pas su lire. N'oublions pas le célèbre "ceci n'est pas un pipe". Pourtant elle est sur la toile : "hé monsieur Magritte, mais si, c'est bien une pipe !" -"Ah bon ? Alors fumez là !".

".

Quand Robert Doisneau intitule sa photo "le baiser de l'hôtel de ville" le titre est percutant et magnifique. Il n'y a rien à chercher de plus… même si c'est une mise en scène avec acteurs dirigés.

Il me semble qu'un titre déverrouille le sens et permet à l'image de devenir puissante. Je veux prendre en exemple La photo du père de Claude Batho, image que je considère comme un chef-d'œuvre de par son titre. C'est lui qui explicite cette photo qui serait regardée comme un loupé si la disparition du visage du père n'ouvrait implicitement sur le champ de la psychanalyse.

Baptiser une photo, c'est la faire naître une seconde fois. J'ai commencé à mettre des titres à certaines des miennes. Cela ne vaut pas pour mes séries comme Les Visiteuses ou Pas de Pub et pour les lesquelles j'avais expliqué la démarche en tête d'expo.. Titrer se fait en post-production au, si j'ose dire, même titre que le recadrage ou la retouche. C'est quelque chose de paisible, la satisfaction du travail achevé.

Celle-ci se nomme : Un homme en or

(1) Sujet abordé dans la missive 47

(2) "Les draps non pliés" Claude Batho - "Barcelone La Sagrada Familia février 1981" Jean Dieuzaide - "après une averse l'été dans le jardin magique" Josef Sudeck - "Violoniste errant" André Kertész - "girl with bicycle" Evelyn Hofer - "Alfred Hitchcok Hollywood" Sanford H. Rolh - "Le Pyla. Coulée de sable 1969" Jacques Holmière - "Têtes, 2021" Anne Charlotte Finel -

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