44 ème missive - La Commune de Paris

11/05/2021

Dans la toute première missive publiée sur ce site en novembre 2013 j'évoquais Jules Itier ce receveur des douanes qui se vit commander un reportage photographique par Louis-Philippe, dernier roi des français et qui régna sur notre pays pendant 18 ans, entre les barricades de 1830 et celles de 1848. Jules Itier aurait ainsi été le premier reporter photographe devant l'histoire.

Un peu plus tard, lorsque les parisiens élevèrent à nouveau des barricades en 1871, la photographie avait déjà un quart de siècle d'existence et cela s'appelle la Commune de Paris. En ce temps-là, l'information circulait grâce aux journaux imprimés. Des dessinateurs forçant souvent le trait ajoutaient leurs visions des évènements relatés, même s'ils n'en avaient pas été témoins. C'est l'imagination et la ligne éditoriale qui tenaient le crayon. Les épreuves photographiques coutaient cher et n'étaient pas beaucoup diffusées.

La Commune de Paris est un terrible moment historique mais dont la nature et l'ampleur nous sont en quelque sorte masquées par les deux guerres mondiales qui ont suivi. La France était occupée par les prussiens, le peuple parisien voulait se battre contre l'ennemie et en même temps modifier l'ordre social inégalitaire. Cela devint une sanglante guerre civile qui opposa les Versaillais aux Fédérés.

Ca n'est que récemment en regardant des reportages sur le sujet que j'ai pris conscience de l'importance des destructions opérées par les communards. Je n'avais en mémoire que leur courage et la justesse de leur action. Dans ma jeunesse j'avais lu Jules Vallès et j'étais son féal comme aurait dit Rimbaud. J'avais une vision romantique de ce moment sanglant, peut-être un peu à cause de Victor Hugo dont la parole puissante est toujours enchanteresse. Mais la Commune fut une guerre civile qui se termina par un massacre commis par les versaillais, lesquels doublèrent la mise en matière de violence et d'injustice. Qui veut aujourd'hui tout connaître sur ces faits historiques trouvera bien entendu chez son libraire les livres qui conviennent. Pour ma part, j'en arrive bien sûr à la photographie.

Deux photographes ont laissé leurs noms dans cette épopée tragique. L'un a servi les Communards, l'autre a servi Thiers et les Versaillais. L'un a traité honnêtement ses sujets, l'autre a falsifié ce qu'il montrait. Le premier est mort jeune et sans le sou, le second a vécu richement. Tous les deux nous ont laissé des images de la Commune. Ils ont en quelque sorte donné à la photographie le premier rôle, et relégué au passé les gravures et dessins illustratifs.

Bruno Braquehais et Ernest Appert sont des pionniers de la photo et il me semble qu'ils ont été l'un et l'autre dépassés par l'histoire, livrés à leur passion ils ont été entrainés au-delà de leur propres limites. Humainement l'un vaut mieux que l'autre et de loin mais nous avons des photos précieuses venant de l'un et de l'autre.

Il suffit, - faites-le - d'écrire leurs noms sur un moteur de recherche pour se trouver plongé dans la Commune. Celles d'Appert ont souvent été modifiées par lui-même sans attendre l'époque des logiciels de retouche. Ainsi pour servir la propagande de Thiers et des Versaillais il réunissait artificiellement des personnes en un lieu donné. Il les ajoutait, comme cela s'était fait un peu plus tôt mais en peinture pour le sacre de Napoléon Bonaparte. Il en usait parfois avec tant d'exagération que la photo comportait quasiment un aveu de mensonge... par exemple, augmenter tellement le nombre de Fédérés composant un peloton d'exécution que la balistique la plus élémentaire établirait que le premier rang des tireurs aurait été atteint par le dernier.

J'ai un faible pour les photos prises par Braquehais. Cet homme n'avait rien d'un calculateur intéressé, il photographiait parce qu'il croyait en la photo et en la vérité. Je me laisse facilement émouvoir par ses clichés de ce Paris martyrisé.

La prochaine fois que j'irai me promener aux Tuileries, au lieu de me sentir dans un éternel jardin et d'y photographier les belles et les chats qui passent ou les autres splendeurs, je saurai qu'il y avait là un immense bâtiment qui emplissait tout l'espace. Se promener en sachant l'histoire amplifie le voyage.

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