43 ème missive - Qu'enfin reviennent les paysages !

19/03/2021

La lumière nous arrive souvent de la pensée des autres. Nous nous l'approprions volontiers parce qu'elle révèle ce qui déjà était en nous.

Imaginez, qu'un rayon de soleil perce les nuages et s'insinue par les persiennes closes d'une maison de campagne. A l'instant même, la table, les chaises, le vaisselier, la cheminée, sortent de l'ombre. Le rai de lumière les a révélés mais tout était déjà bien là. Il en va ainsi dans nos têtes.

La peinture de paysage a disparu au XXème siècle, elle n'avait plus cours, n'intéressait plus. Dans ce même long moment les sociétés humaines n'eurent plus de respect pour la nature. Ce fut un siècle ignominieusement saccageur et pollueur.

J'ai entendu dire quelque chose comme ça à la radio (1) il y a quelques semaines. Je me suis alors étonné de n'avoir pas moi-même déjà formulé cette pertinente assertion. C'est vrai, les siècles précédents le vingtième aimaient à représenter les paysages, parfois en posant le chevalet au bord d'un champ de tournesols ou face à une montagne ou bien en réinventant le panorama somptueux d'une antiquité fantasmée.

Historiquement, le paysage a d'abord été dévasté avec fureur par la Grande Guerre. Elle a ouvert la voie du surréalisme, du dadaïsme et autres postures de désespoir.

Lorsqu'à 18 ans, j'apprenais à conduire, monsieur Dolorenzi qui tenait une auto-école à Montreuil-sous-Bois, m'avait dit :
« attention, on va vers ce que l'on regarde... » précisément je regardais l'autobus que j'allais croiser et m'en approchais un peu.

Si l'on ne représente plus le paysage c'est qu'on ne veut plus le voir. Ne plus aller vers lui. C'est ce qui s'est passé. A force de guerres, d'innovations malfaisantes, d'industries pétrolières, de tourisme de masse (2) la biosphère est en souffrance.

Aimer la nature aujourd'hui, ça n'est même plus la peindre, c'est la laisser tranquille (3)

J'en viens, comme toujours, à la photographie, qui est la petite sœur turbulente de la peinture. Elle est moins sentimentale que son aînée, elle est plus réaliste.

Je fais personnellement peu de paysage (4) pour la raison que j'estime le résultat trop éloigné de la réalité censée être reproduite. Soyez face à la mer, face au Canigou ou au cœur de la forêt des Landes... vous êtes submergé par une émotion rafraichissante, énivré par l'immensité, vous ressentez davantage le bonheur de vivre... Clic... vous avez déclenché et la photo est dans la boite. Le paysage est replié dedans. Lorsque vous ouvrez le fichier jpeg que voyez-vous ? Rien. Le rendu est à mille lieues de l'intensité réelle de l'océan, de la montagne ou de la forêt. La photo sait dire le paysage mais ne sait pas le rendre.

La peinture y arrive mieux, bien qu'elle l'inscrive également dans un cadre. Est-ce dû à la réalité matérielle de la matière colorante, à l'épaisseur du coup de pinceau ou de l'empâtement fait au couteau ? Ou bien encore est-ce à cause du temps prolongé de l'exécution et qui continue de vivre ou alors est-ce parce que sur la toile il y a moins de réalisme et que ce recul ramène à la sensation ?

Convaincus de tout cela, observons l'évolution du travail des peintres d'aujourd'hui. S'ils se remettent au paysage, si cela redevient courant, si le marché de l'art s'en empare, alors ce sera le signe que peut-être nous saurons sauver notre minuscule planète, possiblement unique dans l'univers.

(1) « Répliques » France Culture – 23 janvier 2021.

(2) Un paysage fabuleux foulé quotidiennement par deux mille personnes, perd tout son charme et toute sa sublime sauvagerie.

(3) voir ce que fait l'association ASPAS (Vercors Vie Sauvage) pour le paysage vrai.

(4) Je ne parle pas de paysages urbains, terme qui frise l'oxymore.

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