39 ème missive - L'autoportrait d'Edwige

24/08/20
N 39 -

Dans le train du retour l’autre semaine, je regardais sur l’écran minuscule de mon téléphone, l’image que tu m’avais envoyée, de ton sein nu. Photo pudique, statique et trop sage, presque solennelle. Aurais-je su, te photographier différemment, exprimer par un cliché plus brûlant la part de toi qui se dévergonde au lieu de cette image pieuse et quasi-virginale ? On ne le saura jamais.
Tu me dis avec amertume ou par coquetterie, qu’il n’existe que de rares photos de toi, malgré tout c’est cette image sans visage que tu m’as adressée après que j’aie dit que je n’en possédais pas de toi. Ce sein ainsi montré n’est pas une image érotique mais bien plus, c’est celle d’une sensibilité secrète, d’un désir d’archet sur une corde tendue à l’octave. Ton visage eut-il moins montré de toi que ce petit sein blanc ?
Certes tu avais le souci d’éviter la banalité d’un portrait de « photomaton », mais tu aurais pu alors tout aussi bien m’offrir ta bouche, ton s exe, tes yeux ou ton pied... voire le reflet dans un miroir d’une posture érotique, ... tu as préféré ton sein pur et nommer le message « je te donne mon cœur ».
Si cette image, ce sein tendre, cette douceur que je range au côté d’une représentation d’Agnès Sorel* te décrivaient vraiment, tu serais un être moins dissipé, plus attentif, plus littéraire. La poésie émouvante, la douceur intelligente, la surprise et la pointe d’humour contenues dans cette image rassemblent ce que j’aimais en toi, mais que tu ne cultives pas suffisamment.
Les histoires d’amour ne finissent pas forcément bien mais je ne sais rien de plus beau que cette fin-ci. Je t’en souhaite et m’en souhaite bien d’autres. Bisous.

G.

*La Vierge à l’enfant de Jean Fouquet

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