38 ème missive - Le Cartier-Bresson d'outre-Atlantique

28/05/20
N38 –

Je ne me souvenais de Bruce Davidson, que de ses prises de vues en couleur dans le métro new-yorkais. J’avais eu l’occasion de voir ces photos-là, à la Galerie Municipale du Château d’Eau à Toulouse il y a fort longtemps.

Ce matin j’ai pris au hasard dans le rayon photo de ma bibliothèque l'un de ces petits livres très bien faits de la collection « photo poche » du centre National de la Photographie. Ce fut le numéro 14. Je me suis aperçu que c’était un ami, Didier, qui me l’avait offert en décembre 1984 et y avait ajouté une courte dédicace « Le Cartier-Bresson d’outre-Atlantique ».

Dans les pages de ce petit livre que j’avais fini par oublier, on ne trouve aucune des images que j’évoquais du métro de New-York. Je le redécouvre donc et en effet Bruce Davidson est bien un photographe humaniste, au même titre que Cartier-Bresson, Willy Ronis ou Édouard Boubat.

Sa photographie cependant m’apparaît moins divertissante que la leur, la pauvreté et parfois la solitude des sujets qu’il a immortalisés ne sont pas vraiment différentes de celles de nos humanistes de référence, mais elle semble les atteindre plus profondément. À New-York et ailleurs aux USA traine une sourde désespérance que même parfois un sourire ne parvient pas à masquer. En revanche ses magnifiques photos du « gang de Brooklyn » échappent à cette tendance car on ressent les liens qui unissaient ces jeunes gens, on se croirait dans « West Side Storie » même si cette comédie musicale se jouait dans un autre quartier de la ville, Manhattan.

Ses séjours en France ou en Grande-Bretagne le rattachent de fait au mouvement « humaniste » lancé par des photographes français… la « veuve de Montmartre » ou bien, ces enfants qui en 1960 jouent dans les « corons » quelque part en Angleterre pourraient être de Doisneau ou Izis.

Au pays de Galles en 1965, Bruce Davidson a photographié une cinquantaine d’ouvriers mineurs au pied du chevalement. Tous casqués ils regardent l’objectif… toutes les paires d’yeux sont surmontés d’une lampe frontale allumée. On croirait le public d’un concert contemporain. Ce fut d’abord la flamme jaune et nue des briquets que les spectateurs tendaient vers la scène puis elle a été remplacée par la lumière blafarde des écrans de téléphones… ce cérémonial un peu benêt mais sympathique me semble exprimer un besoin de communion que nos sociétés où règne la compétition individuelle rendent impossible.

En 1965 ce que le photographe figea, ce sont des « gueules noires » qui ensoleillaient les lieux. Ces hommes qui travaillaient sous terre n’étaient pas venus au spectacle. Ils avaient allumé leurs lampes comme on allume une enseigne, pour affirmer leur présence, à moins que ce ne soit le photographe lui-même qui ait eu cette belle idée.

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