33 ème missive - L'Origine du Monde

10/04/2019

L'une de mes "visiteuses" plusieurs fois exposée, se tenait à fleur de peau devant une toile de Gustave Courbet (Le sommeil" 1866*). Est-ce pour cela que l'on m'offrit, le petit livre de Claude Schopp intitulé "L'origine du monde" ?

L'idée de l'auteur qui a sous-titré son travail "Vie du modèle", était d'en connaître davantage sur la femme qui posa anonymement pour "l'origine du monde" œuvre de Courbet peinte également en 1866.

Ce tableau on le sait, fit scandale en son temps sous le règne de Napoléon III. En est-il d'ailleurs autrement aujourd'hui avec le retour d'une censure surplombante qui niche dans la globalisation du monde ?

Le sujet est un s exe féminin exposé dans son intimité absolue, sans contexte érotique et même sans contexte du tout, sans prétexte ni excuse. Nous ne sommes pas très loin des représentations anatomiques que l'on observe parfois sur les planches médicales et pourtant il se dégage de cette scène une étrange chaleur, celle qui peut-être nous monte au front.

Le titre donné par le peintre oriente la réflexion. La toile qu'il a faite, montre en gros plan le lieu précis de la naissance de tout humain. Elle se range pour cela du côté des Vénus de la préhistoire dont le large bassin célébrait le même mystère. (Vénus de Lespugue, de Willendorf ou de Laussel…) L'origine du monde est là, du moins si l'on s'en tient au niveau du visible.

S'il est impossible de savoir qui avait posé pour les sculptures préhistoriques mentionnées à l'instant, la difficulté paraît moins redoutable s'agissant d'un modèle vivant sous le Second Empire. En tout cas monsieur Claude Schopp est-il parvenu à sortir de l'ombre la dame qui incarne l'origine du monde. L'enquête qu'il a menée à partir de la correspondance qui liait George Sand à Alexandre Dumas fils, révèle que la femme anonyme serait une enfant naturelle tardivement reconnue et de modeste condition. Constance Quéniaux c'est son nom, sut malgré tout atteindre le haut du pavé et s'y maintenir. Brillante danseuse, Rat de l'Opéra elle connut un réel et durable succès, sa passion c'était les planches sa fortune c'était celle de quelques hommes. Elle fut donc aussi, sélectivement, une fille de plaisirs. Il faut se garder de considérer cet état de fait depuis le 21ème siècle, il y a 150 ans la "danseuse" était une figure sociale communément admise voire prisée.

Après avoir été applaudie à l'opéra elle en devint plus tard une spectatrice assidue et elle consacra une partie de son temps à venir en aide aux pauvres et à collectionner des objets d'art. Joli parcours.

Ce qui force l'admiration c'est son habileté à se maintenir en bonne place, à s'ennoblir et à agir sans s'exposer outre mesure. C'est là une élégance qui manque à beaucoup de nos contemporains. Son intelligence enfin, mérite d'être soulignée qui lui permit de s'extraire du troisième dessous où la tombola de l'existence l'avait fait naître.

Quant à moi dès les premières pages du livre j'ai pensé que Constance – je l'appelle Constance - née en 1832 était contemporaine des débuts de la photographie** et qu'il y avait donc peut-être un portrait de ce personnage de l'histoire de l'art !

Avait-on la photographie de Mademoiselle Constance, Adolphine, Quéniaux née à Saint-Quentin le 9 février 1832 ?

La réponse dépassa mes espérances car oui, nous avons le portrait de celle qui représente peu ou prou à la fois la naissance et le vertige. Mieux, au dix-neuvième siècle les appareils photographiques étaient très rares et les particuliers n'avaient pas d'appareil photo, Constance fut donc portraiturée par des professionnels de cet art naissant. Nadar soi-même, mais aussi Disderi (qui déposa le brevet de la photo carte de visite en 1854), Pesme, Janicot et autres portraitistes de la seconde moitié de ce siècle-là firent des photos de la Dame. (A voir sur la toile... enfin, l'autre toile)

Voilà donc encore une carte jouée par l'art photographique… mais au fait si le cinéma est le 7 -ème art, la poésie le 5 -ème … la photo ou se glisse-t-elle ?

G-A-D

* Également dénommée "Les deux amies" ou "Paresse et luxure".

** La date conventionnelle de l'invention de la photographie serait le 7 janvier 1839, jour de la présentation à l'Académie des sciences de « l'invention » de Daguerre, le daguerréotype.

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